"Parcours Croisés"- Chapitre 23

Parcours croisés – Jeudi matin
Chapitre 23
Véronique

La soif m’a réveillée. Bouche pâteuse, migraine, je suis où, là ? c’est quoi cette chambre ? J’ai éteint la lampe de chevet qui avait dû rester allumée toute la nuit … Martina … je suis chez Martina, et Alain … rosé, rouge, rosé, Marie Brizard … et tous ces morceaux d’ananas gorgés de rhum, qu’est-ce qu’ils étaient bons ! et qu’est-ce que ça cogne là-haut ! … j’ai mis les pieds par terre … attendu que la douleur derrière les yeux se calme un peu … pas de chaussures, mon petit caraco tout froissé … c’est quoi cette culotte ? je suis folle ou quoi ? j’ai passé assez de temps dans le rayon à me choisir un string … pas clair, tout ça ! j’ai repoussé les volets et plissé les yeux, suivant des yeux un petit chat blanc et jaune qui traversait la pelouse d’un air dédaigneux et concentré. Pipi ! salle de bains : milieu du couloir à droite … Le soleil m’a agressé dans la cuisine, les rayons filtrant à travers les branches d’un immense sapin. 8h30 et pas un bruit ; Alain et Martina dorment encore. Pourquoi je suis encore là sans chaussures dans une culotte que je connais même pas ? et ma jupe, elle est où, ma jupe ? Verre de jus d’orange à la main je suis partie vers la terrasse. Ah ! il est là ! j’ai ramassé le string blanc par terre devant le canapé : ben non … c’est pas le mien … c’est louche, tout ça … j’ai ouvert en grand la baie vitrée et me suis installée sur un lit-piscine pour boire mon jus d’orange.
Grand ciel bleu … et ce chat qui me regarde, assis sur le petit mur, fouettant de sa queue … je lui ai tiré la langue … même pas un frémissement de moustache …
Bon ! aspirine, doliprane, n’importe quoi … je suis retournée dans la salle de bains : pas d’armoire à pharmacie … des boîtes, des boîtes, que des boîtes, blanches rouges, grises … pas envie de fouiller, Martina me dira ! Sa chambre est là, en face de la mienne … Je souris toute seule à l’idée de la sur-prendre dans son lit, avec Alain … Alain, le retrouver comme ça, avec elle en plus, et ils vont bien ensemble, beaux tous les deux …
Je pousse la porte, volets grands ouverts, la chambre est inondée de soleil … et … nom d’un p’tit bonhomme ! waouh !!! Une photo, je veux une photo … premier plan, lui, de dos, tellement grand, et quel cul ! elle, de l’autre côté du lit, me faisant face, et au milieu Annie, sur le dos, bras au dessus de la tête, une jambe passée au-dessus de celles d’Alain, jambes ouvertes sur une épaisse toison noire toute ébouriffée … « la naissance du monde »… bronzée, belle et indécente, un sein sous la main d’Alain, un bras de Martina sur sa taille … elle s’embête pas, la voisine … jalouse ? un peu … mais non … j’aimerais être à sa place, c’est tout … Ils sont beaux, différents, et beaux, et j’imagine la nuit, tous les trois … ma tête …
… me faut un cachet …
J’ai laissé la porte entrouverte et suis retournée dans la salle de bains, mains sur les hanches en face de toutes ces boîtes, et j’ai renoncé, me suis déshabillée et j’ai pris une douche.


Quand j’ai ouvert le rideau, Alain m’a tendu une serviette, à poil, clignant les yeux encore pleins de sommeil, m’a embrassé sur les deux joues, et est parti pisser, sans façon, à peine caché par le petit mur qui isole les toilettes, et je me suis mise à rire, et les hoquets de rire provoquaient autant de pointes de douleur derrière mon front …
- T’as de l’aspirine ?
- Ouais … là …
Et il sort après m’avoir montré le mur de boîtes … bon ! s’il a pas changé, pas la peine de le relancer tant qu’il n’a pas bu un café !
J’ai renoncé à la culotte … pas à moi, et je me suis enroulée dans le drap de bain humide avant d’aller vérifier si Martina dormait toujours.
Annie était à plat ventre à la place d’Alain, la tête sous l’oreiller, et Martina s’étirait en baillant, bras et jambes tendus, et m’a tendu les bras :
- Bonjour ma belle ! bisou …
J’ai fait le tour du lit pour l’embrasser et elle m’a attirée dans ses bras sur le lit en riant :
- T’es toute mouillée ! c’est bon, c’est frais !
Elle m’a fait rouler sur elle jusqu’au milieu du lit en piquant de petits baisers sur mes joues. Annie s’est redressée sur les coudes, sourcils froncés :
- Salut toi ! tu vas mieux ?
- J’ai un nid d’abeilles dans la tête …
- Ma pôv chérie !
Elle m’a pris dans ses bras, une main dans mes cheveux et m’a bercée, mon visage au creux de son cou :
- Tu sens bon !
Martina appuyait sa tête sur mon cou et elle a éclaté de rire :
- Elle sent le sexe ! c’est une dévergondée !
- C’est qu’est-ce que j’dis, elle sent bon !
Alain, toujours aussi nu, est arrivé avec un plateau : deux thés, deux cafés, jus d’orange, tartines grillées, confitures, qu’il a posé au pied du lit :
- Doucement les filles, ça va verser !
On s’est assis en tailleur tous les quatre autour du plateau :
- Bon, ça vous gêne pas d’être à poils ?
Ils m’ont arraché le drap de bain :
- Ça va mieux, là ?
- Me faut une aspirine.

Alain est parti m’en chercher et j’ai avalé deux cachets avec mon thé.
Martina est partie se doucher et Alain a ramené le plateau. Il y avait des miettes de pain grillé sur le lit. Annie a passé un bras sur mes épaules :
- Ça va toi ?
- J’ai un grand trou noir … j’ai bu une Marie Brizard … et je me suis réveillée dans une culotte qui est pas à moi … C’est à Martina ?
- Oui …
- Y’a eu quoi entre les deux ?
- Tu t’es endormie et on t’as couchée …
- Et c’est tout ?
- Non, t’as pleuré aussi ?
- Pourquoi ?
- Parce que t’avais du papier toilette partout sur le minou …
- Euh … j’ai fait pipi devant tout le monde ?
- Que moi …
- Ça me rassure vachement … et mes fringues ?
- Martina les a mis au lave-linge …
- … tu me dis pas tout, toi …
- Non ! y’a autre chose …
- … et c’est quoi ?
- T’as oublié de te raser !
Elle montre mon ventre du doigt et rigole ! elle se fout de moi ! c’est pas vrai ! je la bouscule et elle s’écroule sur le lit en riant.
- Qu’est-ce qui vous arrive ? une bagarre ?
Martina est de retour, couverte de petites gouttes d’eau :
- Elle m’a raconté la fin de soirée … mon trou noir …
Martina a froncé les sourcils, semblant inquiète, en regardant Annie qui faisait non de la main :
- Et alors ? pourquoi elle rigole ?
- Parce que je suis mal rasée …
- T’es pas la seule … elle aussi ! … bougez pas !
Elle disparaît et revient avec le rasoir à main d’Alain brandi bien haut :
- Allez, mesdames ! en position ! Qui commence ? A toi Annie … y’a moins de boulot !
- Tu vas en mettre plein le lit !
- Après cette nuit et avec toutes ces miettes, les draps sont bons à changer, ça risque plus rien ! allez !
Annie s’est mise en position, mains sous la nuque relevant sa tête et jambes levées, sans aucune pudeur et en riant. Après quelques coups de rasoirs, Martina lui a cinglé la cuisse d’une claque so-nore :
- C’est bon ! A toi Véro !
J’ai pris la même position et Annie s’est allongée, joue sur mon ventre pour regarder Martina me raser tous les petits poils qui avaient repoussés …

- Allez les filles ! Maintenant que vous êtes toutes douces, allez vous laver !
Elle a fouillé dans un tiroir de la commode et nous a tendu un paréo à chacune, en a noué un d’un gros nœud au-dessus de ses seins, comme d’habitude.

J’ai attendu assise au bord de la baignoire qu’Annie ait pris sa douche :
- C’est fou quand même ! vous m’avez couchée, déshabillée, et je me suis rendue compte de rien ! ça m’était jamais arrivé ! enfin… pas à ce point … Pourquoi elle a lavé mes fringues ?
- Tu t’étais mis plein de charbon de bois sur la jupe …
- Pas une raison pour m’enlever mon string … z’êtes rien que des vicieuses ! … t’as en-core du savon dans le dos …
- Et tu souviens vraiment de rien ?
- Ben non ! le trou noir ! jusqu’à ce matin … j’ai pas été malade, au moins ?
- Non non … tu passes la serviette, s’il te plaît ?
J’ai essuyé son dos et les petits cheveux dans son cou :
- T’es drôlement bronzée … même tes fesses !
- J’ai pas de voisins en face, j’en profite !
- Tu travailles où ?
- Nulle part, dans mon jardin … ça me manque un peu, je vois jamais personne … je faisais de la compta, mais j’ai rien trouvé par ici quand on a déménagé …
- T’es là depuis longtemps ?
- Ça fait 8 ans … 8 ans à m’occuper de mes fleurs …
- Tu t’ennuies ?
- … un peu …
- Et ton mari ? t’es mariée ?
- Oui oui … lui il roule, suis mariée avec lui, et lui avec son camion …
- Ça vient de là, ce que nous a raconté Martina à table, tes fesses à l’air, et tout ?
- Oui … il est un peu lourd … et finalement c’est la meilleure chose qu’il ait faite depuis longtemps … je connaîtrais même pas Martina, sans ça …
- … euh … ni Alain …
- Ni Alain, c’est vrai … ni toi …
- En tout cas quand tu fais connaissance avec quelqu’un … ça traîne pas ! t’y va à fond !
- Ben tu sais, faut pas croire … c’est la première fois que ça m’arrive …
- Oh ?
- Mmm mmm …
- Ben là, t’as fait fort ! Pourtant tu dois avoir du succès …
Elle a haussé les épaules, avec un petit air triste. C’est vrai, qu’elle est plutôt bien faite … Mince, un joli p’tit cul, les jambes fines, et ses grands yeux clairs, rare pour une fille aussi brune, et puis ses petits seins marrants ; … pas comme les miens, tiens, commencent à tomber un peu …
- C’est quoi, ça ?
Elle s’est approchée et elle est devenue écarlate en se précipitant sur le truc brillant posé sous les robinets de la douche ; mais j’ai été plus rapide …
- C’est à toi ?
- DONNE ! donne-moi ça !
J’ai caché ma main dans mon dos, et je l’ai éclaboussée avec la douchette pour la faire fuir :
- Je sais ! Je sais ! c’est ton truc d’hier soir ! Laisse-moi voir ! allez …
Elle a fini par se reculer et j’ai ouvert la main pour le regarder.
Elle me regardait de travers :
- Eh ! fais pas la tête ! C’est rigolo ! tu l’as enlevé sous la douche ? tu l’avais, hier soir ?
Elle a fait oui de la tête, et son petit sourire est revenu :
- Ouais … tu me le rends ?
- Tu saurais pas où le mettre, y’a pas de poche à ton paréo !!
Elle a fait une petite moue en se mettant à rire :
- C’est pas fait pour les poches …
- … mmmmmmm … prête-le moi … allez, dis oui …
Elle s’est avancée en me regardant d’un drôle d’air ; elle a pris une bouteille de produit douche, en a mis une goutte sur son index, l’a étalé sur l’œuf au creux de ma main :
- … vas-y puisque t’y tiens …
- Vrai ? … je peux ? … la vache … t’as l’œil qui frise, là …
Elle s’est détournée vers le miroir et a commencé à se brosser les cheveux. J’ai posé un pied sur le bord de la baignoire …
Quand je me suis redressée, j’ai croisé son regard dans le miroir :
- C’est froid …
- Ça va passer …

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